25 septembre 2012

Ecrire pour les autres ...ou la solitude de l'écrivain public bénévole

On se souvient du film brésilien "Central do Brasil" qui met en scène une femme écrivain public installée dans la gare centrale de Rio de Janeiro. Elle ne se contente pas d'écrire mais se charge également d'envoyer les lettres qu'elle écrit ....en faisant une sélection de celles qu'elle estime "dignes" d'être envoyées ou susceptibles, selon elle, de recevoir une réponse ! C'est ainsi qu'elle décide de ne pas envoyer une lettre écrite à la demande d'un enfant des rues à la recherche de son père, en décidant de l'accompagner dans le Nordeste à la recherche de ce père....

Ce n'est bien sûr pas l'image romanesque qu'il faut retenir d'un écrivain public qui met bénévolement sa "plume" au service des plus démunis et qui le fait en toute probité et en toute transparence, sans s'immiscer dans la vie de celui ou celle qui sollicite son aide !


Un handicap quotidien sous-estimé
Les écrivains publics sont des gens qui écrivent et lisent pour les autres, pour ceux qui ne connaissent  pas suffisamment notre langue, ou qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’une scolarité, ou encore qui ont été laissés pour compte sur les bancs de l’école et sont le résultat d’un échec scolaire qui a fait d’eux, malgré eux, des handicapés et accentué leur sentiment d’exclusion. On estime à plus de 3 millions le nombre de personnes illettrées en France, (de 18 à 65 ans, dont 8% entre 18 et 23 ans) soit environ 9% de la population (chiffres 2010).

On n’imagine pas la détresse de celui qui ne lit ni n’écrit. Il vit un enfermement dans tous les actes et les faits de la vie quotidienne. Un pan entier de communication avec l’extérieur lui échappe : pour s’orienter et  se diriger, lire les prix dans un magasin, le journal, les affiches, le courrier, suivre la scolarité de ses enfants, effectuer une démarche administrative. Il doit souvent utiliser des moyens mnémotechniques alternatifs à l’écriture et à la lecture pour mémoriser le lieu et l’heure d’un rendez-vous…
 
L’écrivain public : une activité d’utilité sociale, support d'insertion et d'intégration
L’écrivain public met ses compétences la plupart du temps au service d’associations ou d’organismes officiels (mairies, CAF, centres sociaux, etc..), en complément du travail effectué par les travailleurs sociaux. Son activité est souvent mal connue, souvent idéalisée (il écrirait des lettres d’amour !), perçue comme « complexe » car elle exige une bonne connaissance des circuits administratifs et de la législation en matière de droits sociaux.
Dans la grande majorité des cas, son activité concerne des dossiers administratifs à constituer, des formulaires à remplir et des lettres à écrire : demandes diverses (logements, aides, subventions, CMU, etc…), dossiers de surendettement, de retraites, allocations familiales, sécurité sociale, dossiers de régularisation pour immigrés, CV, lettres de motivation…
L'écrivain traite souvent des dossiers complexes
La complexité de plus en plus grande des formalités administratives a fait de cette activité bénévole un travail d’utilité sociale, une aide à  l'insertion et à l'intégration. Une minorité d’interventions concerne des affaires plus personnelles ou non directement liées à une démarche administrative  (courrier familial, remerciements, correspondances avec l’école des enfants, courriers aux élus, etc..),

Ecrire pour les autres : un exercice parfois difficile
Ecoute, diplomatie, patience, discrétion… l’écrivain public est souvent le confident et le témoin de situations désespérées, se trouvant ainsi poussé, malgré lui,  à partager l’intimité de quelqu’un qu’il ne connaît pas. La prestation demandée dépasse en effet dans la majorité des cas, le simple acte d’écriture, qui n’est souvent qu’un élément d’une quête plus générale d’écoute, de conseil,  et de chaleur humaine.
C'est dans ce contexte relationnel particulier que des difficultés peuvent surgir dans la pratique quotidienne, que chacun essaie de régler de son mieux. Ces difficultés exposées fréquemment lors de rencontres entre "praticiens" restent sans réponse, laissant ainsi les bénévoles "avec leur conscience", être confrontés à des questions dont les réponses relèvent de l'éthique de chacun.

« Dois-je écrire tout ce que l’on me demande ?  me limiter à être un stylo » ?
C’est une situation à laquelle tout écrivain public a été ou sera confronté. On s’accorde généralement sur une base qui consiste à refuser tout courrier de dénonciation, de haine ou d’injure, mais il existe d’autres situations délicates qui peuvent conduire à s’interroger sur les limites à poser : demande de toute évidence vouée à l’échec, affirmation de faits,  d’informations ou de situations sujets à caution, mais qu'il n'appartient pas à l'écrivain public de vérifier…Devant l’insistance du bénéficiaire, quelle doit être son attitude ? Quelles sont les limites de son intervention ?

Le débat est ouvert....bénévoles, associations, vos témoignages sont les bienvenus et pourraient alimenter l'élaboration d' une "charte de l'écrivain public", une référence pour les associations, même si certaines ont établi leur propre charte dans un objectif louable de clarification. 

2 commentaires:

  1. bonjour
    j'ai déjà pratiqué le bénévolat comme écrivain publique dans certain association s humanitaire en Bretagne et je partage votre opinion

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  2. Merci pour votre témoignage, en regrettant qu'il n'y en ait pas eu davantage sur ce sujet dont les difficultés sont largement partagées par beaucoup de bénévoles concernés.

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