18 juin 2012

Acquérir des compétences par le bénévolat : Mythe ou réalité ?

La recherche de compétences est devenue aujourd'hui l'un des axes fort de la motivation des bénévoles, ainsi que vient de le souligner une étude menée récemment par la FONDA et le CERLIS (Centre de Recherche sur les Liens Sociaux de l'Université Paris-Descartes), qui présente "le nouvel âge du bénévolat". Nous avons cru bon, à cette occasion, de revenir sur la question qui y est étroitement liée : les compétences acquises au cours d'une activité bénévole sont-elles valorisées auprès des recruteurs?
Le sujet fait débat, qu'en est-il exactement ?
Un retour vers l'Association de la Fondation Etudiante pour la Ville (AFEV) nous aide à y voir clair.

Le bénévolat, une activité ignorée des recruteurs ?

Il semblerait, contrairement à ce que l’on pourrait penser, que le bénévolat ne soit pas un atout dans une recherche d’emploi ! Dans leurs pratiques de recrutement, les entreprises ne valorisent pas, voire pénalisent les candidats ayant eu des expériences de ce type. C’est le résultat d’une campagne de testing sur CV (CV adressés avec ou sans mention d’une activité bénévole) réalisée par une équipe de chercheurs du GEODE (Groupe d’Evaluation des Origines des Discriminations à l’Embauche) et présentée par l’AFEV à l’occasion d’un état des lieux sur les enjeux de l’engagement étudiant.
Les recruteurs ne prendraient pas le risque d’embaucher un candidat mentionnant une activité bénévole, craignant qu’il n’y consacre trop de temps et d’énergie  au détriment de son activité professionnelle.

 Afin d’en savoir plus, l’AFEV a décidé d’interroger des chefs d’entreprise et des responsables de recrutement ouverts aux expériences bénévoles.
Un dossier très complet publié en décembre 2010 (« Recruter autrement »),  montre que les recruteurs, dans leur majorité, estiment que l’ expérience bénévole est très mal présentée dans les CV ou les lettres de motivation, qu’elle n’est pas valorisée (61%) et qu’elle n’a donc aucune influence sur le choix d’un candidat (73%).

Et pourtant….
L’étude dégage et met en évidence les apports du bénévolat pour les jeunes en recherche d’emploi, soulignés par les entreprises favorables au bénévolat (250 entreprises interrogées):
En termes de développement personnel : autonomie, responsabilisation, aisance et confiance en soi, ouverture au monde, adaptabilité, développement du sens relationnel, écoute, débrouillardise…
En termes de compétences utiles à l’entreprise : gestion de son temps, recherche d’informations, transmission de connaissances et pédagogie, animation, travail en équipe, analyse, synthèse, compétences spécifiques à l’activité bénévole exercée, conduite de projets, prise de parole en public, communication….

Paroles de recruteurs
Des témoignages intéressants viennent à l’appui de ce constat, en voici quelques extraits : 

“Les bénévoles sont des personnes qui s’intéressent à leur environnement au-delà de leurs propres compétences. Ils savent travailler en équipe.”
“Je suis plus intéressé par les expériences bénévoles que par les petits boulots. Elles sont synonymes de contact avec les autres, de responsabilisation……. Les bénévoles démontrent de l’envie, du dynamisme et s’intègrent plus facilement.”
“Les bénévoles développent des qualités de travail en équipe, une capacité d’intégration. Ils vont vers les autres. Ils donnent l’image de personnes sérieuses, même si certains ont peu d’expérience professionnelle.”
“L’expérience bénévole confère des qualités relationnelles, une façon de savoir se présenter et une meilleure capacité d’écoute aux questions posées….  une capacité de recul, une vision plus globale, qui ne se limite pas au poste proposé.”
“Les jeunes engagés dans des associations développent généralement des qualités d’entrepreneur, de communicant et des compétences d’animation et d’encadrement. Dans le monde associatif, on retrouve tout ce qu’il n’y a pas dans l’entreprise.”

Notons à ce propos que nos amis nord-européens et nord-américains valorisent l'expérience bénévole au même titre qu'une expérience professionnelle, et que l'absence de ce type d'activité constitue un "manque" sur un CV !

Le bénévolat sous-estimé par les candidats eux-mêmes !
Une citation résume peut-être à elle seule l’une des raisons pour lesquelles le bénévolat semblerait ne pas être pris en compte : “Les expériences bénévoles sont généralement mal présentées. Il faudrait les présenter sur le CV comme on présente les expériences professionnelles, sous la même forme, afin que l’on puisse rebondir dessus pendant l’entretien ».

Une expérience bénévole,
c'est bon pour le CV !
En effet, les activités bénévoles sont très souvent présentées parmi les « centres d’intérêts », « autres mentions », voire « loisirs ».

Si le  bénévolat développe des compétences (humaines, relationnelles, organisationnelles), il doit de toute évidence être valorisé dans un CV et enrichir le chapitre des « expériences professionnelles », au même titre que les stages et à fortiori, les « petits boulots ». Il dénote un esprit ouvert, adaptable, et des compétences acquises  venant s’ajouter à celles acquises par une formation scolaire et/ou universitaire.
Enfin, dans le contexte actuel de chômage, gageons que l'expérience bénévole valorisée sur un CV viendra rompre le cercle infernal "premier emploi/expérience professionnelle" auquel sont confrontés tous les jeunes, diplômés ou non.

Un thème largement abordé à l’occasion de l’année européenne du volontariat
En 2011, dans le cadre de l’année européenne du bénévolat, l’AFEV, forte de cet état des lieux, a mené une campagne de sensibilisation et d’information auprès des entreprises, afin de « changer le paradigme des recruteurs », en partenariat avec la Croix Rouge, le Comité National Olympique et Sportif et les Scouts et Guides de France.

 La valorisation du bénévolat faisait aussi partie des enjeux définis pour l’Année européenne du volontariat, et constituait une des pistes de réflexion de l’EYV 2011 Alliance, qui l’a inclus dans son livre blanc du bénévolat et du volontariat.

Voir le dossier de l’AFEV extrêmement complet (« recruter autrement »), téléchargeable à partir du site de l’association 

Dernière minute : Le Parlement Européen a adopté le 12 juin dernier une résolution soutenant la création d'un "passeport de compétences" pour la reconnaissance officielle des expériences bénévoles et prônant un renforcement des financements destinés à ce type d'activités....à suivre !


05 juin 2012

Un après-midi chez Joséphine...


« Joséphine pour la beauté des femmes »  est une association dont l’objectif est de redonner confiance et dignité aux femmes qui ont été cassées par une vie de galère, souvent seules avec des enfants, au chômage, et qui ont perdu toute estime d’elles-mêmes et tout désir de prendre soin de leur image. Elle leur propose des séances de coiffure et de maquillage, des soins du corps et des conseils de beauté dans un « salon social » situé dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris

En bref, comment est née Joséphine ?
Lucia Iraci, connue dans le monde de la « haute-coiffure » est la fondatrice de l’association et la créatrice de ce salon social ouvert en  2011.Originaire de Sicile, elle débute sa carrière à Paris comme coiffeuse de studio, l’occasion pour elle de côtoyer le milieu de la mode, de la création et du monde artistique.Puis elle ouvre son salon dans le 6è arrondissement de Paris, un lieu serein, intimiste et convivial qu’elle anime depuis 2000.
Mais elle ne s’est pas arrêtée là ! Sensible au sort des plus démunis, parmi lesquels les femmes sont les plus touchées, elle a toujours eu conscience que la beauté n’est pas réservée à une élite, mais que  chaque femme a droit à sa dignité, à une image valorisante d’elle-même, passage obligé dans la voie de l’insertion

Joséphine pour la beauté des femmes
C’est alors qu’a germé l’idée de créer une association « Joséphine pour la beauté des femmes » (du nom de sa sœur disparue prématurément). L’association est créée en 2006  et dans un premier temps, Lucia se déplace en banlieue deux fois par mois dans un local prêté par une association où sont accueillies des femmes démunies afin de leur redonner l'envie de prendre soin d'elles-mêmes. En 2008 elle les accueille dans son salon parisien un lundi par mois et, le temps d’une séance de coiffure, réussit le miracle de leur renvoyer une image d’elles-mêmes qu’elles avaient oubliée.
En mars 2011, elle ouvre un « salon social » dans le quartier de la Goutte d’Or où sont accueillies en permanence des femmes en grande précarité sociale et morale. Elles y trouvent une équipe de professionnels de l’esthétique et bénéficient de séances de coiffure, maquillage, manucure, épilation, massages et conseils vestimentaires.
Les femmes sont prises en charge par l’équipe, chaque « séance », précédée d'un entretien, pouvant durer jusqu'à trois heures. La présence,une à deux fois par mois, d’une psychologue et d’une travailleuse sociale, permet d’élargir le champ des prestations « beauté » en offrant une écoute et des conseils en matière de droits. Enfin, une dermatologue et deux gynécologues donnent aussi de leur temps quelques heures par mois pour des consultations.

Pour cette initiative, Lucia Iraci a été décorée de la Légion d’Honneur. 
L'association est soutenue par divers organismes publics ou privés, de même que par un certain nombre d'entreprises qui fournissent produits de beauté, matériel et compétences diverses

Comment fonctionne le salon social ?
Koura, une jeune femme pleine de dynamisme et de charisme, est la responsable et la coordonnatrice de l'ensemble des activités du salon. Elle nous en explique le fonctionnement avec passion et un sourire qui ne la quitte pas.

Un salon pour les femmes
Le salon est ouvert du lundi au vendredi, de 9h30 à 17h30. C'est un lieu spacieux, lumineux, aux couleurs pastel, et aux équipements d'une grande qualité de confort et de performance technique : 4 postes "coiffure", 1 poste "maquillage", un espace "technique" (2 bacs), 1 cabine de soins, 1 vestiaire


Les personnes accueillies sont des femmes de tous âges, la plupart au chômage et seules avec enfants, souvent en fin de droits. Les rendez-vous sont pris par l’intermédiaire d’associations ou de travailleurs sociaux, et deux "créneaux" horaires sont réservés chaque jour pour des "urgences" (un rendez-vous important, un entretien d'embauche...)

Des chiffres  
6 à 7 femmes accueillies par jour, plus de 1.200 depuis l’ouverture en mars 2011, une équipe de 5  salariés et d'une vingtaine de bénévoles, 3 euros de participation pour une séance de coiffure/maquillage, 1 euro pour chaque prestation autre (manucure, soins du visage, conseil en image, épilation, massages..).

La coiffure, une voie vers la dignité et l' insertion !
Chaque séance commence par un entretien avec Koura, une occasion de laisser s'exprimer les femmes et de comprendre ce qu'elle viennent chercher.
Les séances de coiffure, de soins esthétiques et de conseils en image sont souvent le fait déclencheur d'un changement plus profond que la simple satisfaction esthétique en permettant aux femmes de retrouver une dignité et renouer avec un quotidien qu'elles n'osaient plus affronter.
Les anecdotes sont nombreuses, j'en ai retenu quelques-unes, celle d'une femme qui n'osait plus aller chercher ses enfants à l'école, ou celle qui n'avait jamais osé organiser un anniversaire pour ses enfants car elle ne se trouvait pas "présentable", celles aussi qui se dissimulaient sous un voile pour cacher une vilaine coupe et des cheveux ternes...ou tout simplement un mal-être plus général. Il y a celles enfin qui n'imaginaient pas pouvoir se présenter à un entretien d'embauche ! pour elles, des séances "en urgence" leur sont réservées, elles sont coiffées, maquillées, des vêtements leur sont prêtés....pour une durée qui peut se prolonger jusqu'à un mois pour celles qui sont embauchées, dans l'attente de leur premier salaire ! Une fois par mois, enfin, un bénévole offre des séances de "simulations" d'entretien d'embauche.

Il arrive aussi à Koura d'orienter ses "clientes" vers des ateliers d'informatique ou de théatre, en liaison avec des associations du quartier de la Goutte d'Or.

Lucia Iraci et elle ont aussi le projet de créer des cours de français...mais pour cela, il faudrait pousser les murs ! gageons qu'elle trouveront bien le moyen de faire aboutir ce projet !

Joséphine, c'est donc plus qu'un simple salon de coiffure, c'est une véritable entreprise d'insertion, originale, qui met en évidence l'importance de sa propre image, pour soi-même et pour le regard des autres

Des bénévoles, jamais assez nombreux !  
Comme dans tous les secteurs associatifs, les bénévoles manquent encore... dans les activités liées à l’esthétique, mais aussi dans d'autres secteurs (coaching et aide à l'insertion, médiation, accueil...). Des retraités, des professionnels attirés par ce projet et disposant de quelques heures par semaine ou par mois pour renforcer l'équipe en place sont les bienvenus.

C'est pourquoi, à travers ce blog, un appel est lancé, à faire circuler largement ...
Pour en savoir plus http://www.josephinebeaute.fr/