06 décembre 2016

Votez utile, votez jeune bénévole !

Nous sommes très sollicités, ces temps-ci : primaire à droite, primaire à gauche, pétitions, appels.... des candidats qui s'engagent sur une société idéale et nous annoncent des jours meilleurs, chacun avec sa recette miracle....

Et pendant ce temps-là, à leur niveau, des hommes et des femmes tentent de réparer des injustices, de défendre des causes, de permettre aux plus démunis  de s'ouvrir aux savoirs de base et à la culture, d'offrir un peu de chaleur, de pallier les difficultés d'accès aux droits, etc...

Nous avons parlé des seniors la semaine dernière. Aujourd'hui, place aux jeunes !
Ils sont de plus en plus nombreux à se mobiliser dans l'action bénévole, au sein des associations ou de manière informelle,  ils sont aussi de plus en plus en plus nombreux, également, à être attirés par l'économie sociale et solidaire et y trouver un débouché professionnel. Préfigurent-ils la société de demain en replaçant l'humain au centre des préoccupations sociétales ? Pour cela, ils méritent un "coup de pouce".

Depuis 2011, chaque année, l'association "Tous bénévoles" (anciennement Espace bénévolat) organise un prix récompensant des témoignages de jeunes bénévoles de 12 à 25 ans.

Les 5 gagnants sont désignés par un jury parmi les 10 témoignages sélectionnés par le vote des internautes.
Cette année, le choix sera difficile encore, tant les témoignages sont passionnés
et donnent envie d'agir !

Alors....votez utile ! il ne s'agit pas de paroles en  l'air ni de promesses !

Pour voter (un vote par jour, pas plus, jusqu'au 19 décembre)

http://www.prixjeunebenevole.org/  , onglet "voter pour un témoignage"




30 novembre 2016

Seniors bénévoles, une espèce en voie de disparition ?


Le titre est provocateur, certes, il veut simplement tirer la sonnette d'alarme sur une tendance qui semble émerger concernant le bénévolat des seniors.

Recherches et Solidarités a publié il y a quelques mois son enquête sur le bénévolat 2016 à laquelle on peut se reporter. Les chiffres et statistiques sont extrêmement détaillés et les interventions d'experts intéressantes. On y trouvera toutes les informations relatives au bénévolat qu'il est donc inutile de reprendre ici.
En revanche, le long chapitre consacré au bénévolat des seniors mérite que l'on s'y arrête et appelle des commentaires.

Le constat
En effet, le bénévolat des seniors qui donnent du temps pour les autres en dehors du cadre familial est passé de 51% en 2010 à 49% en 2013 et 44% en 2016.
Dans les associations, la tendance est la même : 38% des français de plus de 65 ans étaient engagés dans une association en 2010, 37% en 2013 et 35% le sont en 2016.
Alors que les seniors vivent une seconde vie après la vie professionnelle et qu'ils ne demandent, pour la plupart, qu'à poursuivre une activité, pourquoi ce recul par rapport à l'engagement bénévole  prometteur au début des années 2000 ? Les raisons semblent multiples et devraient interpeller les associations.

Une multiplicité de facteurs : les points particulièrement marquants
Les experts soulignent de fréquentes recompositions de vie, de nouveaux projets de vie (divorces, veuvages...), ce qui est propre à la génération actuelle des plus de 60 ans, sollicités par ailleurs, par un marché spécifique dont ils sont la cible (voyages, loisirs, universités inter-âges....)
Les baby-boomers sont davantage sollicités par leurs enfants pour pallier la pénurie des structures d'accueil des tout petits, mais également pour vivre pleinement le "statut" de grand-parent et le plaisir qui y est attaché.
En ce qui concerne les motivations, elles sont en retrait en 2016 par comparaison à 2010, par rapport aux autres catégories de bénévoles, notamment en ce qui concerne la défense d'une cause, l'épanouissement personnel, la reconnaissance de leur action ou le désir de changer un peu les choses. En revanche, le désir d'appartenir à une équipe est plus fort chez les seniors qui ressentent, par ailleurs, la perte du sentiment d'utilité sociale et du sens de leur action. Sorte de lassitude ? On note aussi un peu moins de régularité dans l'engagement, une sorte de retrait par rapport à l'engagement citoyen. Les seniors ne sont que 50% à estimer qu'ils sont bien dans leur association (contre 68% pour les autres), ce que l'on peut déduire de leur abstention relativement importante à répondre à cette question,
Ils déclarent donner moins de temps à leur association, avoir moins de responsabilités et de missions intéressantes, se sentir moins motivés pour agir dans le contexte de crise (découragement ?)
"Ballotés" entre une présence près de leurs proches, des loisirs et des voyages et un engagement bénévole, le rapport de Recherches et Solidarités pointe de possibles "tensions entre le pôle des valeurs altruistes et le pôle des valeurs individualistes"...et donc un peu moins de bien-être au sein des associations.

Des points de satisfaction qui évoluent 
Les seniors interrogés ne remettent pas en cause leur engagement, mais ils préfèrent plus que jamais vivre au présent et recherchent davantage le plaisir dans l'action (plaisir d'être efficace et utile, plaisir accru de la convivialité et des échanges avec les autres....) et affirment plus volontiers aujourd'hui un engagement "pour se faire plaisir", à part égale avec un engagement exclusivement altruiste.
Alors que les seniors bénévoles étaient recherchés pour leur engagement sur le long terme, ils changent aujourd'hui plus souvent d'associations pour "découvrir" d'autres  univers.
Ils sont globalement plus attentifs à la gestion de leur temps et soucieux de trouver un équilibre entre leurs activités dans une association, leurs activités envers leurs proches et leurs activités personnelles.


Des attentes liées au plaisir dans l'action et à une gestion du temps équilibrée :

Des actions bénévoles plus ponctuelles ou modulables en terme d'emploi du temps (travailler "en temps non contraint", à distance (e-bénévolat)), plaisir de transmettre un savoir faire à un nouveau bénévole ou à un jeune en service civique, plaisir de partager des moments de convivialité au sein d'une équipe, etc...

Du côté des associations
On sait l'importance donnée par les associations au bénévolat des seniors : des niveaux de formation généralement élevés, des jeunes retraités fraichement sortis du monde du travail et encore empreints d'énergie et de dynamisme, des compétences au service des associations, acquises tout au long d'une vie professionnelle, des expériences professionnelles, mais aussi des expériences de vie, une disponibilité et un engagement sur du moyen et long terme, des occasions de favoriser un lien et une transmission intergénérationnels, etc..., autant d'avantages soulignés et mis en exergue à l'occasion de l'année européenne du vieillissement actif en 2012.

Il appartient alors aux associations d'imaginer les moyens qui permettront de remobiliser les seniors en leur proposant des réponses adaptées à leurs préoccupations et à concilier l'intérêt des associations et le bien-être des bénévoles :

  • valoriser les notions de savoir-faire, d'équipe et de convivialité
  • adapter les plannings de travail chaque fois que possible
  • développer le bénévolat "à distance" (e-bénévolat) grâce aux outils numériques que les seniors maîtrisent aussi bien que les plus jeunes
  • développer le tutorat de jeunes bénévoles
  • développer des activités bénévoles en binôme pour faciliter l'engagement des seniors en leur permettant une gestion optimale de leur emploi du temps
  • intervenir auprès de consultants spécialisés (c'est déjà souvent le cas) à l'occasion des stages de préparation à la retraite programmés par les entreprises

Mais ne convient-il pas également que les associations s'interrogent sur leurs pratiques managériales ? Aucune question en ce sens ne semble avoir été posée à l'occasion de cette  enquête..

Et enfin, deux points de vue sur la baisse de motivation des seniors
"Les personnes de plus de 65 ans sont nettement moins nombreuses que celles de moins de 35 ans, à se dire satisfaites pour la reconnaissance de leur action ou l’épanouissement personnel que leur procure le bénévolat. Elles peuvent effet parfois se trouver « en décalage » par rapport aux générations plus jeunes qui ont davantage besoin d’avoir un objectif et un résultat au bout de leur action, quitte à sacrifier des moments de reconnaissance et de convivialité. Les associations, dans lesquelles le temps est souvent compté au profit de l’action, devraient entendre cette frustration pour entretenir la motivation des bénévoles de plus de 65 ans".
Isabelle Persoz, vice-présidente du réseau Tous bénévoles

"Il semble que c'est là le reflet de la place accordée aux personnes vieillissantes et âgées ordinaires dans notre société. Dès qu'elles ne font plus jeunes, elles ne peuvent que souffrir du manque de considération accordée à la vieillesse, puisque notre angoisse collective est celle du vieillissement"

Pascal Dreyer, auteur de l’ouvrage « Etre bénévole aujourd’hui »


Louise Forestier

 

12 novembre 2016

Agir hors du cadre d'une association "classique" : quels enseignements en tirer ?

C’est un phénomène qu’il faut prendre en compte, l’engagement dans le cadre de groupements informels (coordinations éphémères, collectifs, groupements locaux de jeunes…) se développe. Vient-il bousculer le paysage associatif ?

Qu’en est-il exactement ?
Ces dernières années, l’explosion de collectifs de jeunes comme Génération précaire ou Jeudi noir est venue remettre en cause les modes de militantismes traditionnels à travers la mise en place d’organisations informelles, plus basées sur la camaraderie que sur des structures constituées et utilisant des modes d’intervention dans l’espace public spectaculaires et très médiatiques. 
Le succès de ces actions a interpellé les associations « traditionnelles » dont certaines ont dû réviser leurs pratiques afin de ne pas prendre un grave « coup de vieux » face à ces jeunes collectifs qui pouvaient, dans certains cas, mobiliser bien plus efficacement sur leurs causes.

Jacques ION, sociologue (1),  voit dans la montée de l’individualisme tant décriée, une source d’engagement sous des formes très diversifiées, qu’il faut appréhender autrement que selon les modèles d’organisation et de représentation traditionnels. Alors… « Vive l’individu autonome et affranchi ! » Et, « plus l’individuation s’approfondit (autonomisation), plus le souci du collectif devient impérieux. Le souci de soi  n’est pas contradictoire avec aller vers autrui. »

Collectifs et coordinations plutôt qu'associations traditionnelles ?
A l’appui du constat d’une attirance mitigée, chez bon nombre de jeunes, pour des organisations trop structurées, Cécile Coumau, coauteure de l’ouvrage collectif «  Bénévoles et vous ? »(2) relate comment Léa, une jeune bénévole de 25 ans militante à Génération précaire, un groupement se battant contre
l’exploitation des stagiaires, a fait le choix d’actions qui aillent vite. Elle s’est ainsi tournée vers ce collectif car en trois ou quatre jours dit-elle, on montait une opération. Selon la journaliste, ces structures relèvent plus de la « bande d’amis » que de l’association et leur aspect quelque peu déstructuré attire ces jeunes en quête de réinvention du bénévolat et moins « formatés » que les adultes.

Une nouvelle manière de militer « en s’amusant » et en utilisant des 
modes de mobilisation spectaculaires 
Même si, comme le dit C. Coumau, les causes défendues par ces collectifs ne prêtent pas vraiment à rire : les loyers excessifs pour Jeudi noir, les prix trop élevés de la grande distribution pour L’Appel et la Pioche, les salaires trop élevés des riches pour Sauvons les riches, La France qui se lève tôt en réaction à la campagne de Nicolas Sarkozy, ces jeunes ont choisi de « revendiquer en s’amusant ». Ainsi, Jeudi noir « déclenche des fêtes éclairs avec déguisement, musique et cotillons lors de la visite d’une appartement », Génération précaire submerge les entreprises de candidatures de stagiaires fictifs…

Ces groupements font appel à une sociabilité à base de fêtes, festivals et rencontres informelles très majoritairement animés par des jeunes. Ainsi les sit-in, marches et ateliers d’expression pour les « Indignés ».

Et force est de constater que ces organisations savent remarquablement occuper l’espace public grâce à des modes de mobilisations novateurs et à fort impact médiatique. Les nouvelles technologies de la communication permettent en effet de leur donner une audience inégalée, sans rapport avec le nombre de manifestants qu’elles peuvent mobiliser en comparaison avec les organisations traditionnelles et leurs grands défilés classiques de rue, considérées comme quelque peu désuets. Un exemple en est la flashmob, entendez « manifestation éclair » qui consiste à réunir le maximum de personnes dans un espace public « pour y accomplir des actions convenues d’avance et se disperser rapidement » nous décrit Coumau. Des actions qui relèvent plus du « street art » que de la manifestation en faisant par exemple appel à des danseurs étoiles de l’Opéra…


Et ces actions, même s’il y a des prédécesseurs comme Greenpeace ou Act Up, ont un impact politique si l’on veut bien considérer que des personnalités politiques se montrent aux côtés de Génération précaire qui est maintenant un interlocuteur à part entière et qui, malgré sa faible structuration, n’a pas du tout connu une existence éphémère et compte toujours pleinement, des années après sa création. 

Le militantisme traditionnel, interpellé sur ses pratiques
L'article d'Ariane Dollfus, également coauteure du livre "Bénévoles et vous ?", qui relate comment l'irruption du collectif Don Quichotte est venue secouer le milieu associatif "traditionnel" de laide aux mal-logés, montre bien comment ces nouvelles pratiques peuvent amener les acteurs traditionnels à renouveler leurs méthodes. En ayant choisi comme action spectaculaire, en décembre 2006,de planter une centaine de tentes rouges en bordure du canal Saint-Martin à Paris, ce collectif a provoqué un retentissement médiatique tel qu'il s'est imposé dans le paysage du militantisme contre le mal-logement.

De ce fait dit-elle, les acteurs traditionnels ont été amenés à se « réveiller » par exemple en se fédérant alors que jusqu’ici ils fonctionnaient de manière très cloisonnée, et changer leurs pratiques à l’égard des SDF dont beaucoup étaient très critiques envers ces associations caritatives classiques, se plaignant en effet d’être assistés sans vraiment avoir leur mot à dire alors que les nouveaux acteurs privilégiaient l’écoute et la prise en compte de leurs points de vue pour définir les prestations les concernant.

Le collectif Jeudi noir a également été un aiguillon pour pousser les associations classiques à renouveler leur discours. Créé par des étudiants mal logés en 2006, ce collectif, constitué uniquement de jeunes dans ce cas a pratiqué le squat « dans un souci d’efficacité médiatique » mais sur un ton beaucoup plus percutant que celui des grands acteurs traditionnels avec cinquante ans d’existence dont il reprochait le ton misérabiliste. Et ces collectifs ont parfois influencé les grandes associations si l’on prend l’exemple de la création au sein d’Emmaüs France de la branche « Emmaüs Défi » qui a proposé une approche plus adaptée aux publics en grande difficulté.

«Ces collectifs sauvages ne seraient-ils pas en train d’écrire une nouvelle page de l’histoire du bénévolat ? » se demande Cécile Coumau. Il n’est pas du tout certain que les nouvelles formes d’engagement soient exclusives des anciennes car, dans certains secteurs les structures traditionnelles coexistent avec ces jeunes collectifs ou adoptent des  pratiques innovées par les collectifs et mouvements « informels » Et si l’on considère le cas de la jeune Léa, après avoir fait ses premières armes de bénévole à Génération précaire, elle a choisi de rejoindre Amnesty international. Une trajectoire intéressante entre deux formes de militantisme relativement différentes mais complémentaires en somme ?

Et les associations "traditionnelles" ?
On aurait pu craindre, d’une part,  une désaffection des jeunes pour les associations et d’autre part, des associations de plus en plus composées de seniors. Il n’en est rien. La dernière étude réalisée par Recherches et Solidarités sur le bénévolat en 2016, montre que le nombre de jeunes engagés dans une association, augmente, mais que par contre, l’engagement des seniors diminue, ce qui inquiète le monde associatif.

Ne peut-on dire enfin que ces nouvelles formes d’action relèvent davantage du champ politique, que purement associatif, qu’elles sont davantage la traduction d’un refus de s’engager au sein d’un parti politique, un refus du discours politique politicien tout simplement. Le mouvement « Nuit debout » en est, semble-t-il, la traduction.


Information de dernière minute : un nouveau "collectif" féministe vient de se constituer, imitant en cela les féministes islandaises. Lundi 7 novembre, il invitait les femmes à cesser le travail à partir de  16h34, heure au-delà de laquelle, en  moyenne, les femmes travaillent bénévolement par rapport à leurs collègues masculins qui gagnent en moyenne 15% de plus qu'elles ! Une forme originale pour frapper les esprits sur un problème récurrent.


Sources :
(1)Jacques ION : "S'engager dans une société d'individus" (Armand Colin, 2012)
(2)"Bénévoles et vous", ouvrage collectif dirigé par Anne Dhoquois et préfacé par Stéphane Hessel (Editions Autrement, 2011)


                                                          Bernard Grozelier, Louise Forestier

25 octobre 2016

"Comme Obelix tombé dans la potion magique, je suis tombé dans le bénévolat". Parole de bénévole.

Alain est un jeune bénévole approchant la cinquantaine. « De même qu’Obelix est tombé dans la potion magique, je suis tombé dans le bénévolat », dit-il, et bien volontiers, il accepte de raconter son parcours et de témoigner de ce que lui a apporté le bénévolat. Il utilise parfois des expressions fortes et pleines de sens.
Alain s’ennuyait depuis de nombreuses années dans son milieu professionnel essentiellement composé de chercheurs et d’étudiants qu’il aide à constituer une documentation, trouver l’article utile à leur recherche ou l’ouvrage introuvable, conseiller et orienter vers d’autres bases documentaires, etc…

Il décrit son environnement professionnel comme triste et « poussiéreux », extrêmement conservateur et assez fermé, même s’il y trouve un certain plaisir intellectuel. Il cherchait à se « désenclaver », dit-il, c’est-à-dire, si l’on se réfère à cette notion souvent employée en matière de politique territoriale, avoir accès et pouvoir emprunter des voies menant vers d’autres espaces, d’autres mondes, des horizons plus larges que le travail salarié…..d’autres libertés ?
ll désirait (re) trouver « la vraie vie » dans un milieu plus vivant où son action aurait une réelle utilité sociale.

Emprunter d’autres voies ?….l’une d’elles l’a conduit vers le bénévolat.
C’est ainsi qu’en 2013, il est devenu accompagnant à la scolarité bénévole dans un centre social parisien.
Pendant trois ans il a connu le plaisir de transmettre, la satisfaction de voir progresser des enfants, le sentiment d’être vraiment utile.
Après cette première expérience, il a dû abandonner le bénévolat pour des raisons personnelles, et, dit-il, « je me suis senti racornir ». Le virus l’avait atteint, un virus difficile à éradiquer…

Il a donc repris une activité bénévole et enseigne le FLE dans un autre centre social où il a retrouvé le même plaisir de transmettre à des personnes volontaires et se réjouir avec elles des progrès réalisés et de la voie ainsi ouverte vers une intégration. Ce qui lui donne l’impression d’être un acteur de la société, un citoyen.
Pour Alain, le bénévolat a été incontestablement un facteur de développement personnel, il s’en explique :

-   Une expérience humaine par l‘ouverture sur le monde extérieur, le travail en équipe, la rencontre d’autres cultures, la chaleur des contacts, leur authenticité.

-   L’acquisition (ou la révélation) de compétences qu’il ne soupçonnait pas (animation de groupes,  pédagogie, organisation) et/ou qu’il n’avait jamais pu (ou assez peu) exprimer dans un cadre professionnel.

-   Les conditions d’exécution des missions,  le cadre à respecter, les objectifs à atteindre et les diverses consignes ne sont pas vécus comme des contraintes.

-   Le bénévolat étant un acte gratuit, cela n’explique-t-il pas que les relations humaines soient différentes, plus désintéressées, plus naturelles, plus libres et authentiques que dans le monde professionnel ?

…. Et comme Obélix dont l'identité est liée à la potion magique, Alain ne peut plus envisager le reste de sa vie sans une activité bénévole.

Louise Forestier


17 octobre 2016

Bénévolat, quelques infos de rentrée....

ON EN PARLE...

Projet de loi Egalité - Citoyenneté : Le projet de loi adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale vient d'être adopté par le Sénat après avoir subi un nombre important de modifications.
C'est ainsi que le projet voté par le Sénat supprime le "congé engagement" qui prévoyait un congé de six jours pour les responsables d'associations afin de leur permettre de remplir leurs missions. Il supprime également la possibilité d'expérimenter un service civique obligatoire.
Le vote définitif de la loi doit intervenir avant la fin de l'année.

RSA contre bénévolat : Le tribunal administratif de Strasbourg vient d'annuler la délibération du conseil départemental du Haut-Rhin qui avait soumis l'octroi du RSA à l'exécution de 7 heures de bénévolat par semaine.
On peut se reporter, à ce sujet, à un (court !) article du Monde du Droit qui expose très clairement la problématique.
....Mais on n'a pas fini de reparler de ce sujet qui fait polémique...

Un trimestre de retraite pour les bénévoles actifs ?
Une proposition de loi en ce sens a été déposée l'été dernier par le député Julien Dive. Cette mesure serait destinée aux bénévoles qui ont exercé une responsabilité ou auraient été reconnus comme actifs durant cinq année consécutives. A suivre...cette proposition n'est pas nouvelle...elle finira bien un jour par aboutir, sachant que l'esprit du bénévolat doit demeurer ce qu'il est : un acte gratuit !

6 octobre 2016, 7è édition de la Journée Nationale des Aidants
Les "aidants",ce sont les personnes (famille, proches..) qui assistent une personne de leur entourage en perte d'autonomie. Ils sont 8,3 millions, 47% sont des actifs. On connaît assez peu leur action, leur quotidien, le soutien et l'aide dont ils bénéficient, l'implication des entreprises, leur reconnaissance au niveau européen, etc...Pour en savoir plus

Enfin, bonne nouvelle...
Une étude publiée par le Journal of the American Geriatrics Society montre que donner gratuitement de son  temps est bénéfique pour la mémoire des seniors, ainsi que leur bien-être physique et moral.
Ces bienfaits sont confirmés par des chercheurs de l'Université de l'Etat de l' Arizona qui ont "suivi" 13.200 personnes de plus de 60 ans entre 1998 et 2012, en les interrogeant tous les deux ans sur leur activité bénévole (la moitié n'en avait pas) et en leur faisant passer des tests cognitifs.
Les résultats de cette étude (une de plus !) sont encourageants si l'on décide de lui conférer une valeur scientifique infaillible !
  • les seniors qui se sont investis au mois une fois pendant la période d'étude présentent un déclin cognitif moins important que ceux qui ne se sont pas investis
  • les seniors les plus engagés voient leur risque de développer des troubles cognitifs diminuer de 27%
.....et les chercheurs américains sont tellement convaincus qu'ils suggèrent que le bénévolat soit prescrit par les gériatres !

Pour mémoire, la France compte 16 millions de retraités. Parmi les 13 millions de bénévoles associatifs, 3,7 millions ont plus de 65 ans.

01 octobre 2016

Bénévoles auprès de migrants...les femmes doivent-elles adopter une attitude vestimentaire "de bon aloi" ?

Au hasard de lectures sur le net, une information intéressante à propos d'une association (Utopia56) qui vient en aide aux migrants à Calais et à Grande Synthe.
Elle vient de faire parler d'elle à l'occasion de récriminations de bénévoles, choquées par les termes du statut auquel chaque bénévole se doit d'adhérer. On trouve en effet une disposition surprenante relative à la tenue vestimentaire :

"Les réfugiés  viennent de pays lointains et  il est important de tenir compte des différences culturelles.
Pour les femmes, notamment, il est fortement conseillé de ne pas mettre de vêtements trop courts,  décolletés, hauts sans manche, sous-vêtements apparents etc."

Et dans un message adressé aux bénévoles :
« Les femmes doivent veiller à avoir des vêtements amples, longs (pas de tshirt courts, ni jupes, ni shorts) sans décolletés et couvrant bien les épaules (pas de débardeurs)".

Dans un échange de mails entre des bénévoles (femmes) et l'association, celle-ci a précisé que :
"La majorité de la population du camp est masculine. Ce sont des hommes qui sont depuis des mois sur la route, et c’est ce point qui nous pousse à vous avertir, et non la religion". Autrement dit, ne vous exposez pas à la misère sexuelle des migrants, et pour aller plus loin, ne les provoquez pas ! Si vous êtes agressées, vous en porterez la responsabilité ! De quoi alimenter un vaste débat chez les féministes.

Ce qui est probablement choquant, en effet, et qui plus est pour une association dite "de gauche", c'est d'inscrire dans le statut, une disposition ayant donc force d'engagement de la part des bénévoles féminines.

A propos des violences faites aux femmes et des débats qui ont eu lieu en France tout récemment, il a été réaffirmé que les femmes n'avaient pas à adopter une attitude vestimentaire de nature à empêcher toute agression sexuelle, et que dans aucun cas, quelle que soit leur tenue vestimentaire, elles ne sauraient être tenues pour responsables alors qu'elles sont les victimes en cas d'agression. "Non c'est non" vient de dire l'Allemagne qui vient de voter une loi qui étend la notion de viol...

Alors, face à la situation créée dans les camps de migrants, ne peut-on pas laisser aux femmes le soin de juger elles-mêmes l'attitude qui convient, et, pour reprendre l'expression d'une internaute : "franchement est-il possible de sortir de l’idéologie pour être un peu pragmatique?"

Ou bien, convient-il d'adhérer à la position d'une autre internaute qui déclare :
"Respecter la différence culturelle ? Je pense que respecter la différence culturelle ne veut pas dire agir de la même façon. De mon côté, je m’engage à n’obliger aucune femme kurde à se mettre en mini jupe, même si c’est une tenue tout à fait respectable en France"
 
Simple débat féministe ? Ce qui serait impensable dans une entreprise et provoquerait des réactions syndicales, l'est davantage lorsqu'il s'agit d'une association.
 
Plus généralement, débat sur les limites à l'action bénévole ? On peut citer à cette occasion la problématique rencontrée parfois par les écrivains publics quand il leur est demandé, afin d'obtenir une aide, de rapporter dans un écrit des informations visiblement fausses.

Cette "adaptation à la différence culturelle" peut parfois nous emmener très loin si l'on poursuit la réflexion....

Louise Forestier

08 septembre 2016

Jeunes bénévoles, la parole est à vous !

"La valeur n'attend pas le nombre des années", nous dit ce dicton

C'est vrai, les statistiques et les études le montrent, les jeunes sont de plus en plus nombreux à s'engager pour une cause, pour aider les plus démunis et confirmer ainsi que la société civile est porteuse d'espoirs....

Afin de valoriser l'apport des jeunes dans le monde associatif, l'association TOUS BENEVOLES (ex Espace Bénévolat) organise cette année pour la sixième fois, un concours s'adressant aux jeunes de 15 à 25 ans engagés dans l'action bénévole en leur demandant de présenter leur action et de témoigner en délivrant un message à d'autres jeunes ou moins jeunes, "qui donne envie d'agir".

Les dossiers (manuscrit accompagné d'illustrations : photos, dessins, BD, vidéos, enregistrements audio...)  doivent être déposés jusqu'au 8 novembre prochain sur le site du prix Jeune Bénévole après validation de l'association dans laquelle intervient le jeune candidat.

Vous avez entre 15 et 25 ans ? vous avez une activité bénévole au sein d.une association? ? vous êtes passionné et voulez partager votre enthousiasme ? vous connaissez un jeune bénévole qui répond à ces critères ? 

Alors courez vite sur le site spécialement dédié au prix, qui vous expliquera la marche à suivre.

25 août 2016

Le monde associatif et bénévole en France et aux Etats-Unis : deux idéologies ?

Si l’on examine quelques éléments de littérature comparative sur la question, deux courants de pensée semblent se dégager.
D’un côté ceux qui considèrent que le bénévolat et l’engagement associatif s’opposent au modèle américain basé sur la prédominance du tiers-secteur (associations….) et de la société civile sur l’Etat, avec une référence centrale au philosophe politique français Alexis de Tocqueville qui a décrit et analysé le fonctionnement de la démocratie américaine qui laisse une grande place à l’initiative privée, le modèle français se référant au contraire à la conception d’un « Etat providence » prenant en charge les besoins des citoyens.

D’un autre côté, certains pensent au contraire que cette différence est toute relative et  que l’évolution contemporaine (crise économique et financière) rapproche de toute manière le tiers-secteur français du modèle américain.

Ce débat n’est pas seulement d’ordre académique car en France la crise induit chez certains la crainte que le recours au bénévolat ne soit une manière non avouée de substituer les associations à l’Etat Providence dans certaines de ses prérogatives. Le rejet du « communautarisme » prédispose à une méfiance envers le modèle d’engagement américain faisant une large place aux communautés.

L’idée qu’il existe deux modèles américains et français bien différents se cristallise autour de la référence à Alexis de Tocqueville qui a étudié la démocratie américaine ainsi que les institutions nées de la Révolution française, mais emprunte aussi à nos histoires respectives.

Ainsi, selon Maud Simonet, auteure de « Le travail bénévole, engagement citoyen ou travail gratuit ? » qui fait à cette occasion une étude comparative sur le bénévolat en France et aux Etats-Unis, Tocqueville est constamment invoqué par les chercheurs, mais aussi les responsables associatifs et les politiques américains. Cette référence est, selon elle, à l’origine de la description de l’Amérique comme une « nation d’associés » où le bénévolat se développerait de façon « spontanée » dans l’espace laissé libre par l’État, dans un rapport de substitution avec lui dans la mesure où la pratique bénévole serait indépendante, d’origine privée et a-étatique. Les groupes bénévoles « surgiraient spontanément »,  afin de prendre en charge un problème en dehors des politiques.

Cette référence à  Tocqueville est reprise aussi par des américanistes, chercheurs mais aussi politiques français pour opposer des modèles français et américains de bénévolat. Alors qu’aux Etats-Unis la pratique bénévole serait « développée, reconnue, valorisée » parce que partie intégrante de la tradition démocratique, elle-même liée au principe de liberté individuelle et de  méfiance à l’égard de l’Etat qui ont sous-tendu la détermination des « pères fondateurs » pour une société plus libre, la France serait un contre-modèle avec une pratique bénévole peu reconnue, peu encouragée et ne s’intégrant pas véritablement dans une culture politique faite de fort recours à l’État. Mais il est vrai que la Révolution française et l’apparition de l’État Providence de type universaliste n’ont pas forcément favorisé le secteur philanthropique. La Révolution en effet a perçu celui-ci comme une influence extérieure qui venait s’interposer entre l'Etat et le citoyen et s’est employée à réduire les corps intermédiaires (corporations..) dont il fallait se méfier par crainte d’un contre-pouvoir, ne reconnaissant de rôle représentatif qu’à l’État. Quant à la fourniture de services sociaux par le tiers-secteur elle était, jusqu’à une certaine période au moins, très dépendante de l’État Providence financièrement et en matière de tutelle.

Si l’on considère les liens entre les pouvoirs publics et le monde associatif, de notables différences se dégagent entre les exemples américains et français qui ne manquent pas d’interpeller la culture politique française.

En France, l’idée que les associations puissent suppléer l’Etat Providence face aux limites financières qu’il rencontre, ne va pas sans provoquer des débats. Le 5 février 2016, le Conseil départemental du Haut-Rhin approuvait« "le principe d'instaurer un dispositif de service individuel bénévole que pourraient effectuer les  bénéficiaires du RSA" en exigeant d’eux d’effectuer 7 heures de bénévolat par semaine. Il s’agissait, selon son président Eric Straumann de  « faire passer les allocataires du statut d’usager à celui de bénévole actif et reconnu". Mais la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine a réagi en affirmant « qu’il n’est pas possible de conditionner le versement du RSA à l’exercice du bénévolat" et que « les devoirs liés à l’obtention d’une allocation sont définis nationalement ».

S’agit-il d’une tentative de « remise au travail des citoyens » via le volontariat et le bénévolat comme le pense Simonet qui considère qu’en France comme en Amérique, l’Etat utilise l’engagement associatif pour servir ses objectifs en matière de politique d’emploi sous couvert d’appel à la citoyenneté ? En Amérique, l’encouragement du bénévolat et du volontariat pour lutter contre le chômage ou d’autres problèmes sociaux est plus courant et se matérialise au travers de programmes tout à fait publics comme celui de la Corporation for National Service, l’AmeriCorps  ou le Citizen Corps qu’avait créé le président Georges W. Bush pour aider à réformer le système éducatif. En France, la promotion, par l’Etat, du volontariat des jeunes au travers de contrats faiblement rémunérés (Service civique ou autres….) fait poser à certains la question de savoir s’il ne s’agit pas là d’introduire des formes de travail sous-payées ou gratuites pour atténuer le coût financier de l’Etat providence ou masquer son échec en matière de lutte contre le chômage des jeunes

Un autre point à signaler est celui du caractère largement communautaire du bénévolat américain coexistant pleinement avec les formes d’engagement s’adressant à la société dans son ensemble sans que cela ne pose de graves problèmes de principes à la représentation que l’Amérique se fait d’elle-même en terme de citoyenneté. De fait, des communautés se construisent facilement aux Etats-Unis  souvent sur une base religieuse ou ethnique, qui vise le développement social, politique, culturel et économique du groupe en question, en insistant sur la responsabilité des membres

La culture française, en revanche, est très suspicieuse envers le « communautarisme » considéré par certains comme une restriction de la citoyenneté ou tout du moins un frein. Question particulièrement sensible aujourd’hui dans l’hexagone face aux problèmes d’intégration , entraînant la peur d’une segmentation de « l’unité nationale » dans des communautés particulières se réclamant de valeurs spécifiques.           
        
Mais selon certains cette différence entre deux modèles est toute relative et la question se pose aussi de savoir si la norme française d’associations ne se rapprocherait pas de la norme américaine particulièrement du fait de la crise de l’Etat providence 

Selon Maud Simonet toujours, cette opposition entre la France et les Etats-Unis suivant une lecture tocquevillienne qui ferait du bénévolat américain une émanation purement « spontanée » de la société civile est tout à fait critiquable et illusoire dans la mesure où il serait, aussi bien en Amérique qu’en France, fortement encouragé par l’État. Et il est vrai que de Herbert Hoover, dans les années 1920 à Bill Clinton, nombreux sont les présidents américains et d’autres responsables politiques qui ont publiquement appelé à l’engagement bénévole au nom d’une norme morale communautaire et citoyenne. En France, c’est sur le devoir d’utilité sociale que les pouvoirs publics interpellent les citoyens et cela explique, selon Simonet, 25 ans de rapports entre les pouvoirs publics et les associations pour la tentative d’élaboration d’une reconnaissance d’utilité sociale pour ces dernières. Reconnaissance attribuée par l’État.

Mais au-delà des oppositions théoriques, ne serait-ce pas à un rapprochement des normes françaises de gestion associative et bénévole sur les normes américaines auquel on assisterait ? En effet comme le souligne le Rapport de l’OCDE de 2003 « Le secteur à but non lucratif dans une économie en mutation », la crise des systèmes européens de protection sociale a entraîné depuis les années 1970 un regain d’intérêt envers les organismes du tiers-secteur et une mutation de leur gestion. Et cette mutation ressemble bien à un changement des modes d’organisations traditionnels des associations vers un fonctionnement plus « américain » si l’on veut bien considérer que le bénévolat se professionnalise, que les associations adoptent des modes de gestions inspirés en partie de l’entreprise privée avec un souci d’efficacité, d’innovation et que la baisse des financements publics les incitent à adopter une certaine démarche marketing dans leur collecte de dons privés. 

Au reste, si l’on en croit Olivier Zunz, américaniste et auteur de « la philanthropie en Amérique », c’est depuis le XIXème siècle, sous l’impulsion de philanthropes fortunés que les organisations sans but lucratif se sont inspirées de mode de gestion conforme à ceux de l’entreprise privée capitaliste classique avec un souci d’efficacité autant qu’un souci caritatif.  En France, ce rapprochement des modes de management est beaucoup plus récent, et, de ce point de vue, on peut parler d’une convergence des modes de gestion des associations françaises et américaines.

Mais si les modes de gestion se rejoignent, cela ne signifie pas, actuellement, un rapprochement idéologique. L’Etat-Providence est encore largement invoqué en France à l’occasion des grands débats, lorsqu’il est question de « privatiser » certains secteurs au sein des institutions d’enseignement, de santé, etc…
Aux Etats-Unis, à l’inverse, on se souvient de l’extrême difficulté à faire voter l’ « Obamacare » pour faire adopter une prise en charge par l’Etat d’un minimum de protection sociale pour le plus démunis.

Un mot, enfin, sur le regard porté par les sociétés américaine et française, sur le bénévolat et le volontariat

Alors qu’il est impensable pour un jeune américain de présenter un CV sans mention d’une activité bénévole, les recruteurs français ont été pendant longtemps réticents, et le sont encore pour une large part, estimant que le candidat pourrait avoir d’autres intérêts que l’objectif de l’entreprise et risquerait d’être moins disponible. Là  aussi, les choses évoluent, certaines grandes écoles valorisent le bénévolat dans le dossier d’admission et les entreprises commencent à admettre et reconnaître l’enrichissement en compétences que peut représenter une activité bénévole.



                                                                                      Bernard Grozelier        

08 juin 2016

Bénévolat, bonheur, santé, longévité : une corrélation ? Des réponses scientifiques.


L’idée d’associer l’engagement envers une juste cause à l’épanouissement individuel et la santé est une idée assez récente qui s’inscrit bien dans l’air du temps mais qui est aussi prise très au sérieux par la science, si l’on en croit l’important développement d’un champ scientifique qui étudie, depuis une trentaine d’années, les corrélations entre attitudes et engagements altruistes, bien-être, santé et longévité et parmi lesquelles s’inscrivent les études sur les effets bénéfiques du bénévolat. "Faites-vous du bien à vous même en faisant du bien aux autres",semblerait dire ce nouveau domaine d’investigation scientifique. Un phénomène que l’on peut considérer comme particulièrement intéressant, si l’on veut bien considérer que les justifications en faveur de l’engagement relevaient auparavant plutôt d’affirmations normatives telles que le primat du collectif sur l’individu, le devoir moral et un certain esprit de sacrifice au nom de « l’intérêt supérieur » de la cause défendue. Ce nouveau champ d’intérêt de la science pourrait bien constituer une argumentation en faveur du bénévolat assez novatrice finalement ? Quel est ce champ scientifique et que disent ces études ?
Le contexte dans lequel se sont développées ces études

Pour le comprendre, il convient de préciser rapidement qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’importants changements de paradigmes qui se sont produits récemment dans différentes disciplines scientifiques telles que l’éthologie, les neurosciences, et, dans les sciences sociales, la psychologie et même certains courants de l’économie ! Alors que ces disciplines avaient jusqu’ici mis en avant des valeurs individualistes, de compétition et de croyance en la sélection naturelle comme moteur unique de l’évolution, la révolution dans ces sciences a consisté à tourner le regard vers l’importance de la coopération, des comportements pro-sociaux, de l’empathie, des attitudes altruistes et de montrer leurs effets bénéfiques au niveau de l’individu, de la collectivité et de l’évolution de l’espèce. Et ceci, sans même compter la nécessité absolue de nouvelles attitudes sur le devenir de la Terre ! Ainsi, la théorie de l’évolution a montré comment la coopération au sein des espèces est beaucoup plus efficace que la lutte, si l’on en croit des auteurs comme Joan Roughgarden et Thierry Hoquet, auteurs du « gêne généreux : pour un darwinisme coopératif » ; la psychologie a montré, depuis les années 2000, l’importance de l’empathie et des attitudes prosociales pour la croissance personnelle de l’individu et même la « science économique » commence à relativiser l’idée que l’enrichissement matériel serait la seule source de bonheur, à travers des études empiriques qui ont montré qu’au-delà d’un certain niveau, l’accroissement du revenu n’est plus source de bien-être et que ce sont les liens sociaux qui apportent le plus.
Ce que disent les études et enquêtes sur les effets personnels du bénévolat pour la personne qui aide

La « psychologie positive », branche de la psychologie expérimentale s’est particulièrement intéressée aux effets du bénévolat en termes de bien-être, d’épanouissement personnel, et de santé mentale et même physique. Dans son ouvrage, « la psychologie positive », Rébecca Shankland, l’une des pionnières de la discipline présente un certain nombre d’enquêtes sur le sujet. Ainsi, des chercheurs en psychologie sociale ont montré que l’implication associative contribuait à « réduire la souffrance psychique et les effets négatifs des situations stressantes » et « augmentait le bien-être physique et psychique ». Certains parlent même de « shoot de l’aidant » pour désigner cette augmentation des affects positifs et de la satisfaction par rapport à la vie qu’apporte l’engagement envers autrui. Cela concerne d’ailleurs toutes les tranches d’âge car des recherches expérimentales ont montré que les adolescents altruistes présentaient moins de risques de dépression et de suicide que les autres et l’altruisme répété aurait, selon d’autre chercheurs cités par Shankland, un impact positif sur la santé physique et mentale visible encore 50 ans plus tard ! Tandis que chez la personne âgée, d’autres chercheurs ont montré que l’implication bénévole leur apportait une satisfaction par rapport à leur vie actuelle et un désir de vivre plus élevés que les individus de groupes témoins. Avec de surcroît une longévité plus importante.
Et les bénéfices concernent aussi la santé physique stricto sensu. Ainsi, une étude canadienne montre que faire du bénévolat réduit aussi les risques de maladies cardiovasculaires. La générosité ne réchauffe pas seulement le coeur, elle le protège aussi !, selon des chercheurs de l’Université de ColombieBritannique à Vancouver, dans une étude parue dans le Journal of the American Médical Association. Cette étude, faite sur des lycéens, a montré que les jeunes « plus généreux » présentaient un niveau de cholestérol plus bas, moins de graisse en plus des bienfaits purement psychiques.

Comment expliquer ces impacts du bénévolat sur la santé, qu’elle soit mentale ou physique ?
Concernant les maladies physiques telles que la tension artérielle le lien est indirect. Ainsi, selon Rodlescia Sheed, professeur de psychologie à l’Université Carnegie Mellon, « le fait d’avoir des relations sociales réduit le stress et augmente l’estime de soi. Deux facteurs déterminants pour lutter contre certaines pathologies ». « Le bénévolat pourrait être un moyen efficace de réduire la tension artérielle tout en évitant de passer par les médicaments » déclarent certains chercheurs.
Bien sûr, les effets paraissent plus faciles à expliquer sur le bien-être et la santé mentale. Les comportements pro sociaux en général sont souvent synonymes de réduction des conduites à risques, de construction de liens plus solides entre les individus, d’amélioration de l’estime de soi, de sentiment d’utilité ou de meilleur sens donné à sa vie.
Un certain nombre d’auteurs ont tenté de fournir des explications théoriques à ce lien bonheur/engagement. Ainsi Jacques Lecomte, psychologue, auteur de « Donner un sens à sa vie », considère que si une part du bonheur relève de l’hédonisme, la quête de plaisir, une autre part, celle liée à l’engagement, relève de « l’eudemonia », terme qu’il emprunte à Aristote qui entendait par là une « vie réussie » et axée sur la vertu. Selon Lecomte, le bonheur lié à ce type d’action (l’engagement) relève de « l’eudémonisme », qu’il oppose au bonheur hédoniste, selon lui plus fragile car trop dépendant des conditions extérieures. Dans le même esprit, une étude menée notamment par le moine bouddhiste Matthieu Ricard parue dans la Review of general psychology en 2011, oppose un modèle de bonheur durable qui serait basé sur le fonctionnement d’un « soi-décentré » donnant une place importante à autrui, à un bonheur « soi-centré » correspondant à la maximisation du plaisir et qui serait beaucoup plus instable car trop dépendant du contexte et des aléas de la vie.
Enfin, la meilleure qualité des relations sociales, l’impression de mieux contrôler sa vie et l’amélioration de l’estime de soi sont aussi des sources de réduction du stress, de l’anxiété et de la dépression engrangées par le fait d’apporter de l’aide aux autres. Ainsi que, élément particulièrement important, la motivation intrinsèque pour l’action !
       Mais est-ce à dire que l’altruisme et l’engagement se réduisent à une question de bien-être ?
CC    Cela reviendrait à dire qu’in fine, ils ne feraient qu' obéir à des motivations très égocentriques ! Il n’en est rien pour Matthieu Ricard car selon lui, ce type d’effets décrits ne sont que des sous-produits secondaires de l’engagement altruiste et n’excluent nullement la part importante de désintérêt et de motivation pour le bien des personnes que l’on aide. Au reste, les études semblent montrer que ces bienfaits apparaissent surtout si l’on a une motivation intrinsèque pour l’action et un réel souci  altruiste pour la personne que l’on aide indépendamment de notre bien propre.
Ainsi, si on veut engranger des bienfaits personnels à l’engagement bénévole, mieux vaut être sincère dans sa démarche. On peut imaginer qu’un égoïste qui déciderait de s’engager car il aurait entendu parler de ces bénéfices ne verrait rien se produire chez lui d'où l'intérêt d'être authentiquement altruiste !
                                                            Bernard Grozelier