28 décembre 2017

L'épanouissement au coeur des engagements étudiants

S'épanouir sans être égoïste, servir l'intérêt général sans se sacrifier sur l'autel du militantisme, telle est la philosophie de l'engagement étudiant dégagée, dans sa thèse de sociologie, par Claire Thoury, déléguée générale du réseau Animafac.


Ce travail que l'intéressée a présenté le 6 décembre, lors de la soirée Paris Je m'engage organisée par et à la Mairie de Paris, s'appuie sur une soixantaine d'entretiens auprès d'étudiants engagés dans des structures associatives (étudiantes ou pas), des syndicats étudiants, des partis politiques, ou dans le mouvement social Nuit debout, ainsi qu'auprès d'anciens étudiants engagés afin de savoir comment les mobilisations s'inscrivent dans la durée. 

"Faut le vivre, c'est dingue ! Je n'ai jamais l'impression de travailler, je m'amuse, je joue un jeu", s'ébahit Anthémios, membre d'une Junior-Entreprise, association étudiante à vocation économique et pédagogique. Léa, quant à elle, déclare que son engagement lui a permis d'être "embarquée dans un tourbillon de bonheur". Investie dans une association consacrée au développement durable, la jeune femme s'est "rendu compte que les gens de l'asso, ce sont vraiment (ses) amis. Je fais l'asso encore plus pour les voir que pour faire des projets finalement", confie-t-elle. Pour Paul, impliqué dans l'organisation d'un festival de musique, c'est  "l'impression d'être utile" qui renforce son plaisir à agir. 

"Il n'y a jamais aucune référence au devoir ou au sacrifice dans le discours des étudiants", commente Claire Thoury. Quel que soit le projet, l'enjeu de l'épanouissement ne peut être ignoré ni minimisé. La cause importerait-elle peu, pourvu qu'on ait l'ivresse ? Pas du tout, réagit immédiatement la chercheure, "le projet est fondamental", mais on ne s'engage pas uniquement pour lui. L'engagement des étudiants témoigne d'une "articulation très subtile entre quête de sens et quête d'épanouissement".

Dans les modèles classiques de militantisme, l'association des individus qui s'engagent dans une structure fait masse et la masse crédibilise la cause et le projet. On était sur la figure d'un militant qui adhère à une grande organisation avec des consignes précises pour défendre les idées que celle-ci porte. Aujourd'hui, ce sont les engagés qui font la ligne et le jour où elle ne leur convient plus, ils s'en vont. Pragmatique, l'étudiant engagé n'est plus prêt à sacrifier son épanouissement au profit d'une cause ou de la structure. Cela ne retire rien à l'intensité de l'implication, qu'on la mesure au temps passé à la réalisation d'un projet, aux attentes vis-à-vis de celui-ci, ou à la façon dont l'engagement se diffuse dans toutes les sphères de la vie des engagés. Par delà leur diversité, les engagements des étudiants contemporains ont en effet en commun le fait d'être particulièrement intenses, note la chercheure.

"Outil de subjectivation, réponse aux épreuves identitaires, expérimentation du politique, rite initiatique non organisé de passage à l'âge adulte, moyen de s'émanciper d'un système éducatif rigide", l'engagement occupe une place centrale dans l'existence des étudiants jusqu'à devenir un élément constitutif de leur identité, souligne Claire Thoury. Cette expérience structure durablement la vie des individus. Ainsi, les anciens étudiants estiment que, s'ils ne s'étaient pas engagés, leur vie présente serait différente tant au plan privé que professionnel, ainsi qu'en termes de valeurs, de rapport aux autres et à eux-mêmes.


                                                                              Caroline Helfter

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