11 février 2018

Volontariat international : équilibrer les échanges.

Les voyages, c'est bien connu, forment la jeunesse. Ouverture d'esprit, rencontre des autres, découverte de façons différentes de vivre et de penser : on n'en finirait pas de lister les bénéfices du contact personnel avec "le grand livre du monde" — selon une expression des philosophes des Lumières. Pourtant, si les jeunes Français ont depuis longtemps la possibilité d'exercer leur solidarité auprès des populations du Sud, leurs alter ego de ces pays n'ont pas les mêmes opportunités en France. De fait, quelque 20 000 jeunes habitants de l'Hexagone, toutes modalités d'engagement confondues, partent chaque année à l'étranger pour une mission de volontariat. Mais, ce volontariat "transformateur de la personne et transformateur de société", fonctionne à sens unique, pointe Yves Pelletier, ancien responsable de programmes à France Volontaires, organisme public dédié à ce type d'engagements. "On fait de l'international, on n'accueille pas", commente-t-il. D'où l'intérêt du volontariat international de réciprocité, que promeut France Volontaires depuis quelques années. L'idée est simple : "je vais chez toi, tu viens chez moi". Plus diplomatiquement exprimé, il s'agit de remédier à l'asymétrie des relations Nord-Sud en développant des échanges de volontaires entre la France et les pays qui accueillent des jeunes Français. Pas forcément des échanges "un pour un" dans une vision comptable et simultanée de la réciprocité, mais des échanges bi- ou multi-latéraux entre partenaires, qui tendent à s'équilibrer.


C'est en 2010, avec l'instauration du service civique, que la réciprocité des engagements volontaires à l'international se voit juridiquement et financièrement encouragée. La loi du 10 mars 2010, qui crée ce dispositif de volontariat pour les 16-25 ans (30 ans si les jeunes sont en situation de handicap), permet en effet à tous les pays accueillant des volontaires français d'envoyer eux aussi leurs ressortissants effectuer une mission d'intérêt général en France, pour une durée de 6 à 12 mois. Pendant leur séjour, les intéressés bénéficient de la sécurité sociale et d'une indemnité mensuelle de 477 euros que leur alloue l'Agence de service civique – de la même manière qu'elle le fait pour les volontaires français qui partent à l'étranger. La structure française d'accueil (association, fondation, collectivité territoriale, établissement public) se voit, quant à elle, défrayée de 100 euros par mois pour le tutorat du volontaire, mais elle a à sa charge le logement et la souscription d'une complémentaire santé et d'une assurance rapatriement pour ce dernier, ainsi que, très généralement, ses frais de voyage.

Des rencontres improbables

Rencontre entre le projet porté par un organisme non lucratif dans les domaines de l'éducation, du développement, de la santé, de l'action humanitaire, de l'environnement, de la culture, du sport, ..., et le projet personnel d'engagement d'un jeune, le volontariat international de réciprocité est souvent l'occasion de rencontres assez improbables. Par exemple, celle de Ramasta et de Claudia, venues du Burkina-Faso l'an dernier, avec les jeunes Normands qui fréquentent la mission locale de L'Aigle/Mortagne-au-Perche (Orne) où elles ont été chargées d'un rôle d'accueil et de médiation, celle de Jarbas, Brésilien de 22 ans, avec les élèves du lycée agricole de Radinghem (Pas-de-Calais), où il a réalisé en 2016 une mission d'agrotourisme, ou encore celle de Pranjal, 24 ans, originaire de Pondichéry (Inde), avec des collégiens de Mayenne, en Pays de Loire, à qui il a fait partager, d'un même mouvement, sa connaissance de l'anglais et son amour des danses de " Bollywood".

A l'association Cool'eurs du Monde de Bassens (Gironde), qui coordonne depuis 4 ans des programmes de volontariat international de réciprocité, on insiste beaucoup sur la simultanéité des échanges et le caractère à la fois collectif et individuel de la démarche. Ainsi en 2014-2015, dans le cadre du premier projet de ce type monté par l'association, 10 volontaires Aquitains ont rejoint le Sénégal cependant que 9 jeunes Sénégalais ralliaient la France. Deux temps collectifs avaient été organisés pour les intéressés – appariés en binômes en fonction de leurs centres d'intérêt (rugby, hip-hop, développement local, ...) et censés rester en lien durant leurs missions respectives. "Avant le départ des Français, les Sénégalais ont passé 10 jours avec eux en Gironde", précise Jean-Marc Dutreteau, directeur de l'association. Au terme de leur engagement, tous les volontaires se sont à nouveau retrouvés pour relire collectivement leur expérience. En procédant sur ce modèle, Cool'eurs du Monde a orchestré, depuis 2014, une soixantaine d'échanges mutuels entre volontaires, avec des jeunes venus d'une quinzaine de pays – principalement le Sénégal, le Maroc et le Burkina-Faso. "L'idée est aujourd'hui de nous diversifier au niveau des continents et des Etats", souligne Jean-Marc Dutreteau, qui lorgne du côté du Pérou, de l'Equateur, du Cambodge et du Vietnam.

C'est avec le même souci de variété des partenariats et d'équilibre de la réciprocité que les Cemea Bourgogne (Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active) ont piloté, entre 2012 et 2017, plusieurs échanges tri-latéraux entre Bourguignons, Chiliens de la région du Maule et Sud-Africains de la province Cap occidental : 6 volontaires français partaient pour 6 mois en Afrique du Sud et 4 au Chili ; parallèlement, 6 Sud-Africains et 4 Chiliens venaient en Bourgogne. L'éducation au développement et l'ouverture sur le monde étaient au cœur de ces mobilités croisées, au terme desquelles les volontaires voyaient leur expérience valorisée dans leur projet personnel et professionnel. De fait, il y un vrai besoin de reconnaissance de ce qu'apporte aux jeunes – et aux pays – cet engagement à l'international, souligne Pierre Soëtard, directeur de pôle à France Volontaires. Cet apport s'évalue à la fois en termes d'enrichissement interculturel et d'accroissement des compétences, comme celles dont les volontaires font montre quand, à leur retour, ils se lancent dans la création d'activités économiques. 

Généraliser le principe de la réciprocité

L'accueil de volontaires étrangers continue cependant à pécher par sa modestie. En 2016, 1367 Français ont effectué un service civique à l'international, pour environ 150 jeunes non ressortissants de l'Union européenne missionnés dans le même cadre en France. Il est vrai que le montage de tels projets n'est pas simple et prend du temps, reconnaît Pierre Soëtard. Les associations françaises sont notamment confrontées à la question des financements complémentaires mobilisables pour assurer l'accompagnement des jeunes accueillis et couvrir leurs frais de logement. Le coût des loyers étant particulièrement élevé dans les grandes villes, il y a l'alternative de l'hébergement chez des particuliers. Cette formule présente également l'avantage de permettre aux étrangers de se frotter à la vie de famille hexagonale, mais elle ne s'avère pas toujours appréciée ni des volontaires, ni des logeurs.

 En dépit des difficultés, un nombre croissant d'Etats se disent convaincus que la dimension internationale du volontariat doit être encouragée pour nourrir des liens de coopération et de solidarité plus robustes. Une centaine d'acteurs de 22 pays – représentants d'organisations nationales et internationales de volontariat, d'associations d'envoi ou d'accueil, d'agences de développement – se sont retrouvés à Niamey (Niger), fin novembre, pour l'affirmer. "Dans un monde en pleine mutation, où le vivre ensemble est un défi pour toutes les sociétés, le développement de la réciprocité des engagements est une nécessité", s'accordent-ils à déclarer. Cela implique de renforcer et d'élargir les partenariats et, bien sûr aussi, de mobiliser des investissements à la hauteur de l'enjeu. Pour dépasser le stade de la simple pétition de principe, un groupe d'une dizaine d'organisations de 4 continents (Asie, Amérique latine-Caraïbes, Afrique et Europe) a été constitué. Il tiendra sa première réunion fin février au siège de France Volontaires, en banlieue parisienne. A suivre, donc.



                                                                                Caroline Helfter


Pour toute information complémentaire : https://www.france-volontaires.org/-Reciprocite-.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire