18 mai 2018

Rêv'Elles : rêver grand et se lancer

En cette fin d'après-midi caniculaire, une centaine de personnes sont rassemblées à Paris dans une atmosphère survoltée. Elles se retrouvent ce vendredi 20 avril au Conseil régional d'Ile-de-France pour célébrer la clôture d'un stage intitulé : "Rêv'Elles ton potentiel". Trente jeunes filles, âgées de 16,5 ans en moyenne, y ont consacré leur première semaine de vacances scolaires. Il s'agit d'une formation mixant dynamique de groupe et développement personnel, destinée à permettre aux intéressées de faire émerger leurs rêves d'avenir, de se révéler à elles-mêmes leurs principales forces et qualités, et de puiser l'énergie, les informations et les contacts nécessaires à la mise en branle des futurs envisagés.



Photo Dilan Pozza
La session qui prend fin ce jour-là est la 13e de ce type organisée depuis 2013. Module innovant d'aide à l'orientation scolaire et professionnelle transposé d'une expérience britannique, il a été mis en place par l'association Rêv'Elles à l'intention de jeunes Franciliennes de 14 à 22 ans vivant dans des quartiers prioritaires. Pourquoi elles ? Parce qu'"aux obstacles socio-culturels auxquels se heurtent tous les enfants issus de milieux modestes, s'ajoutent, pour les jeunes filles, l'auto-censure et une certaine pudeur de l'ambition", répond Athina Marmorat, fondatrice de Rêv'Elles. Et d'enfoncer le clou : "dans une société qui a appris à s'accommoder des inégalités entre les genres et où les modèles féminins de réussite se font trop rares ou trop discrets, les jeunes filles ont besoin qu'on leur redonne de l'espoir".

Mo-ti-vées !
A écouter les adolescentes de la promotion Joséphine Baker – comme à l'Ena, les stagiaires de Rêv'Elles baptisent leur groupe, mais en se rangeant bien sûr toujours, quant à elles, sous la bannière d'une femme –, Athina Marmorat a gagné son pari. Les jeunes filles réunies sont visiblement gonflées à bloc, pleines d'optimisme et d'envie d'en découdre avec la vie. Comme la slameuse Diariata N'Diaye, dont elles reprennent le refrain à tue-tête, les stagiaires se revendiquent "femmes libres et indépendantes". Ce sont aussi des femmes extrêmement motivées, ce qu'a démontré, toute la semaine, la ponctualité de Franciliennes souvent obligées de se lever très tôt pour rallier la capitale malgré la distance et les grèves de cheminots. Ainsi Yousra, 15 ans, qui habite la Seine-Saint-Denis, devait se réveiller à 5h30 pour se rendre dans le 13e arrondissement de Paris où le stage avait lieu. Accessoirement, il a aussi fallu que l'adolescente se familiarise avec l'utilisation des transports en commun. Mission accomplie : "maintenant, elle sait aller seule à Paris, c'est formidable !", se réjouit sa maman.



Athina Marmorat (au micro).  Photo Fabrice Viotty
Les grandes découvertes
En arrivant, les stagiaires marchent un peu sur des œufs. "On ne sait pas du tout dans quoi on s'embarque, témoigne Emilie. L'aventure s'avère visiblement féconde. Ce que les jeunes filles découvrent, au fil de la semaine, c'est d'abord elles-mêmes. "J'avais très peur de grandir, j'ai gagné beaucoup de confiance pour l'avenir", déclare Emilie. "J'ai grandi et je me suis regardée d'un œil nouveau", complète Ange. Et Lina de rebondir : "j'ai appris beaucoup sur moi, sur les autres et surtout sur le métier que je veux faire ".

Pendant les trois premiers jours, les adolescentes alternent ateliers collectifs et séances de coaching individuel visant précisément à les aider à mieux se connaître et à fortifier leur estime d'elles-mêmes, à développer leurs facultés d'expression, à élargir et mieux cerner leurs aspirations professionnelles. Le jeudi, on sort des murs pour se confronter à la réalité du monde du travail : le groupe dédoublé est allé passer la journée dans deux grosses entreprises, le cabinet d'audit KPMG et la multinationale de la chimie Dow Chemical. Repérage des métiers exercés dans ces entreprises, échanges avec des salariées et brèves simulations d'entretiens de recrutement avec des professionnelles des ressources humaines : cette immersion dans un univers aux codes inconnus ouvre aux jeunes filles des horizons qui ne le sont pas moins et peut même susciter des vocations. Le vendredi, enfin, point d'orgue de ce parcours : les stagiaires rencontrent des femmes actives aux profils variés – architectes, créatrices d'entreprise, femmes politiques, etc. –, à qui elles exposent leur projet d'orientation professionnelle ou un projet plus général de vie, et qui s'ouvrent à elles de leur propre itinéraire. Baptisées "rôles modèles", ces aînées tendent à leurs cadettes un kaléidoscope irisé d'images d'identification positive. 

Des femmes inspirantes
Flavie Maurat, directrice des achats chez Atos, géant mondial de services du numérique, fait partie de ces femmes inspirantes prêtes à donner de leur temps pour conseiller et stimuler la génération montante. "L'approche s'inscrit bien dans ma volonté d'aider, de transmettre, qui plus est à des jeunes filles, donc à un public pour lequel mon expérience en tant que femme peut être bénéfique", explique Flavie Maurat. "Le but est d'échanger avec les jeunes et de répondre à leurs questions par rapport à leurs envies d'orientation, de voir aussi si, dans nos réseaux, on peut les connecter à des gens susceptibles de leur être utiles", ajoute Flavie Maurat. D'ailleurs elle-même, dont c'est la première participation à un stage Rêv'Elles, a donné son mail personnel à une adolescente qui souhaite embrasser une carrière commerciale. Plus ancienne dans la démarche, Nezha Kandoussi, linguiste et agente de designers et d'artistes, a déjà eu l'occasion d'accompagner quelques jeunes filles dans la durée. Par exemple en leur organisant des rencontres avec des designers, ou en coachant de façon assez rapprochée une adolescente en échec scolaire, qui était intéressée par les langues étrangères, mais ne savait pas dans quelle profession se lancer pour tirer parti de cet intérêt. "Nous avons un système qui est toujours dans l'acquisition de connaissances, alors qu'elles sont aujourd'hui à portée de main", analyse Nezha Kandoussi. "Ce qu'il faut développer, c'est le savoir-être. On doit chercher à mettre en phase des vocations et des métiers, plutôt que simplement inscrire les gens dans des cases et les faire entrer dans des boîtes, au sens propre comme au sens figuré".
 
Et après ?
Depuis 2013, 373 jeunes filles ont bénéficié d'un stage "Rêv'Elles ton potentiel", proposé trois fois par an. Aiguillées vers cette formation par le milieu associatif ou scolaire, ainsi que par les médias, les réseaux sociaux ou le bouche-à-oreille, les candidates sont plus nombreuses que les places. D'où une sélection faite sur des critères sociaux et sur leur motivation. Lors du stage d'avril, Flavie Maurat a identifié deux catégories de participantes : de très bonnes élèves qui manquent de confiance en elles et des jeunes filles en situation de décrochage scolaire, qui ont besoin de faire le point. Que deviennent les stagiaires une fois la session achevée et l'enthousiasme groupal dissipé ? Pour que le soufflé ne retombe pas, les jeunes filles bénéficient d'un an d'accompagnement au travers de deux ateliers collectifs et deux séances de suivi individuel. Elles peuvent aussi participer à différentes activités organisées par l'association – visites pédagogiques, sorties culturelles ou cafés-débats sur des problématiques liées au pouvoir d'agir au féminin.

Document remis aux participantes à la fin du stage

Nawel, a participé il y a trois ans à un parcours Rêv'Elles. Alors âgée de 20 ans, elle avait arrêté ses études et enchaînait les petits boulots. "Je ne savais pas quel chemin prendre – ni s'il y avait vraiment un chemin pour moi", confie-t-elle. Le stage lui a permis de trouver sa voie, assure la jeune femme qui termine un master 2 de gestion des entreprises et veut créer la sienne. "J'ai compris l'importance de faire ce que l'on veut faire, de s'en donner les moyens et de ne rien lâcher. J'ai aussi compris que si je ne me bougeais pas, personne ne le ferait à ma place", souligne-t-elle. La formation Rêv'Elles est "une chance inouïe pour les jeunes filles", commente Jamila Abidi, mère de deux adolescentes qui en ont bénéficié. "Dommage que ça n'existe pas pour les garçons. Ni pour les mamans....".
Caroline Helfter

06 mai 2018

Bénévolat, associations : infos, actualités

En voyageant sur le web...


Une bonne nouvelle : Le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé le 16 avril dernier, l'attribution du label "grande cause nationale" pour 2018 à la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) qui regroupe des associations luttant contre les violences faites aux femmes. Ce label, qui existe depuis 1977, accorde  le droit d'obtenir "des diffusions gracieuses de campagnes d'information et de communication sur les radios et télévisions publiques"

Du nouveau pour les "aidants": la loi n° 2018-84 du 13 février 2018, crée un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap. Ce dispositif est calqué sur celui déjà ouvert au bénéfice des parents d'un enfant gravement malade. Il s'ajoute au dispositif existant de "congé de proche aidant" non rémunéré. Avec le don de jours de repos non pris par un salarié, le bénéficiaire voit sa rémunération maintenue.

Bénévolat à la carte, une tendance qui se confirme : (Recherches et solidarités). C'est un type de bénévolat qui se développe de plus en plus, notamment chez les jeunes de moins de 35 ans, soit parce qu'ils manquent de temps, soit parce qu'ils sont davantage intéressés par un projet précis plutôt que par une cause ou une association.
Cela permet de ne pas s'engager sur du long terme sans avoir la certitude de persévérer, de tester son appétence pour l'action bénévole, de renouveler son intérêt et son énergie vers des projets diversifiés et de ne pas tomber dans la routine. Mais ne peut-on craindre un certain "éparpillement" ?

Une réflexion sur la crise du monde associatif : Pour soutenir le monde associatif en crise (difficultés de recrutement des actifs, suppression de la réserve parlementaire, subventions à la baisse, suppression progressive des contrats aidés), Julien Dive (député LR de la seconde circonscription de l'Aisne), dans son blog, émet trois suggestions :
  • valoriser l'engagement bénévole par la création d'un statut du  bénévole associatif qui ouvrirait l'accès à un certain nombre de droits, comme des droits à la retraite (une proposition de loi en ce sens a d'ailleurs été déposée par Julien Dive)
  • faciliter les aménagements du temps de travail pour les salariés qui ont un engagement citoyen et solidaire, à négocier avec l'employeur,
  • aider les associations au recrutement en créant un "contrat associatif" défiscalisé de charges
La fin de la réserve parlementaire :  (Le Monde du 6 mars 2018). Des députés LREM (notamment Bruno Bonnell, député du Rhône et Jean-Baptiste Djebbari, député de la Haute-Vienne) s'activent pour y pallier en se tournant désormais vers des entreprises. Cette réserve de 130.000 € dont disposaient les députés et à laquelle, parfois à juste titre, il était reproché, outre son manque de transparence, de favoriser un certain clientélisme, était néanmoins utilisée, dans bien des cas, à apporter un "coup de pouce" à des associations.
L'objectif est de "s'appuyer sur le mécénat d'entreprise" par la création de plates-formes (Cœur Villeurbanne, par exemple, association créée par Bruno Bonnell) pour susciter une levée de fonds afin d'aider des projets et également "de proposer la mise à disposition par les entreprises, de compétences  ou de locaux qui pourraient héberger des associations".
Des réserves sont cependant émises par certaines ONG de lutte contre la corruption. Elise Foucraut de Tranparency International, souligne "qu'il ne faudrait pas que ces plates-formes reproduisent les griefs qu'on pouvait formuler à l'encontre de la réserve parlementaire", le député demeurant finalement au centre du dispositif. Jean-Christophe Picard, président d'Anticor, quant à lui, note que "c'est un peu moins choquant que la réserve parce que ce n'est pas de l'argent public, mais ça ressemble à du clientélisme" et que le risque des "retours d'ascenseur" soient attendus par les investisseurs et que "l'élu se transforme en obligé de tous ceux qui vont l'aider à trouver des fonds"
Affaire  à suivre, donc, qui n'a pas fini de faire débat....

Benevolt, un site spécialisé pour les jeunes seniors : Ce site de mise en relation entre bénévoles et associations, s'adresse exclusivement aux "jeunes seniors" à partir de 55 ans. Pour le moment, son rayon d'action se situe dans l'ouest de la France (initiative nantaise), mais à moyen terme, le site souhaite se développer en Ile de France puis dans la France entière. Son objectif pour 2018 : 1000 associations inscrites.
ViensVoirMonTaf : C'est une association créée en 2015 par trois jeunes femmes au parcours riche et quelque peu atypique, qui aide les élèves de 3è des collèges REP à trouver un stage, 2/3 d'entre eux n'ayant aucun "piston", aucun réseau (familial notamment) qui puisse les aider. Elle se définit comme "le réseau des jeunes sans réseau". 300 stages ont pu être offerts en 2017. L'association ouvre prochainement une antenne à Marseille.
Aide au permis de conduire : Un peu partout en France, de plus en plus de municipalités proposent une aide financière au financement de leur permis de conduire, à des jeunes qui s'engagent bénévolement dans une association, dans un service municipal ou encore présentent un projet citoyen qui aura retenu l'attention. Un budget est alloué chaque année à ce dispositif. Un jury examine le profil et la motivation des candidats et désigne ainsi ceux qui seront bénéficiaires. Un partenariat est conclu avec les auto-écoles de la ville.
L'idée qui présidait, au départ, était de favoriser l'accès à l'emploi de jeunes de zones rurales en leur ouvrant la voie vers une autonomie de déplacement. Ce dispositif dépasse aujourd'hui les zones rurales. Il est conseillé d'appeler les services de la mairie de résidence pour savoir si ce type de dispositif existe.

Le mouvement associatif s'engage pour la parité : il a signé le 8 mars dernier, à l'occasion de la journée des droits des femmes, un engagement à :
  • atteindre la parité dans ses instances d gouvernance d'ici à 2020,
  • promouvoir cet objectif auprès de ses membres,
  • engager des actions en faveur de son atteinte dans les délais fixés.
Une affaire à suivre : le service national universel : Le groupe de travail chargé de définir les contours du futur service national universel (SNU) a rendu son rapport à Emmanuel Macron fin avril. Il préconise un service obligatoire d'un mois pour tous les jeunes à partir de 16 ans. En réponse, des associations appellent à maintenir et renforcer le service civique existant qui a remporté un vif succès car il est "une véritable expérience pratique de la fraternité", il s'adapte " aux envies d'implication des jeunes français au service de l'intérêt général", permet aux associations et services publics "de pouvoir démultiplier leurs actions par la mobilisation de jeunes aux compétences variées" et à des jeunes "de se sentir appartenir à la communauté nationale pour la première fois". Les associations invitent donc le président de la République à confirmer, dans le cadre des annonces à venir "son engagement à poursuivre le développement massif du service civique"(JDD.fr du 29 avril dernier)
L'opposition, quant à elle, dénonce le "flou" du projet et son coût (Le Point.fr du 30 avril dernier)
Des arbitrages doivent être rendus courant mai.

Louise Forestier